IL PLEUVAIT, J’AI POSÉ
Aujourd’hui, je me suis rendue dans un studio d’artiste afin de me prêter au jeu du modèle, sage comme une image pour prendre les poses successives.
Je ne peux imaginer mon univers artistique sans faire miens tous les points de vue, aussi celui du modèle m’intéresse beaucoup.
J’apprecie ritualiser mes expériences cela me permet de mieux m’incarner, ici comme modèle classique voir désuet, pour donner une idée un style situé entre Fragonard et Courbet… Une séance de pose n’est pas anodine.
Ce n’est pas la première fois que je me prête à l’exercice. Chaque séance est aussi différente que son artiste. Une ambiance, une approche. J’avais beaucoup apprécié ma toute première avec Gauthier Genêt, cela peut s’avérer extrêmement instructif sur soi, rapport au corps, audace d’une pose improvisée prenant le pas sur la pudeur. Oui, je suis assez pudique, surprenant non?
Une bonne séance selon moi est une séance où je me sens assez à l’aise pour partager de ma précieuse intimité. La connexion entre modèle et artiste est essentielle d’où l’intérêt d’une parole ouverte et une franche communication.
Il faisait gris et froid, la pluie s’était invitée, un temps à prendre la pose, un studio sous les toits, presque un cliché, charmant. Un travail se fait dans ma tête le temps de boire un café en bavardant, il fait chaud, je ritualise, je commence par retirer mes baskets, cela dure un bon quart d’heure avant que je n’envisage de me dévêtir. Se départir de ses chaussures est symbolique. J’ai alors sorti un kimono léger et doux, je ne l’avais jamais vraiment porté et je trouvais qu’il correspondait très bien au mood Old School de cette session. Une minute top chrono et le kimono était à même ma peau. C’etait parti pour 1h30 de « travail ».
Oui, du travail, les poses s’enchainent sur une durée plus ou moins longues. J’alterne les poses « tendues », qui me demandent plus de consommation d’énergie et ainsi maintient ma température corporelle avec les poses plus « lascives » moins énergivores mais de fait qui me refroidissent très vite confessant être extrêmement frileuse.
Il m’arrive de parler un peu mais la majorité du temps je suis silencieuse, je me perds dans le son de David Bowie et dans mon point de vue de modèle. J’ai badé un petit tableau avec deux étranges personnages tordues rouge et jaune pendant 10 minutes. À un moment, position face à l’artiste mes yeux se sont plantés dans les siens, regard profond, je l’ai regardé curieuse, sans bouger me croquer avec son air sérieux, le geste rapide pour réussir à tout saisir dans le temps impartis. J’ai regardé le plafond, mes propres lignes corporelles… même mon I.phone, modèle 2.3, désuète et contemporaine à la fois.
En tout début de séance, j’ai reçu le message suivant d’une amie: « Et quel modèle tu dois être », ce à quoi j’ai répondu: « Modèle et artiste ».
Être modèle donne à mon univers artistique un relief plus profond, être modèle c’est observer, ressentir un autre artiste que soi. C’est une très bonne prise de recul et je suis du genre à encourager cela. C’est un booster supplémentaire à ma créativité.
Humainement, il faut être honnête, la sensation à 46 ans est satisfaisante, certainement du bien-être au narcisse en plusieurs endroits.
Je suis ravie de pouvoir inspirer des dessins, de partager mon corps par amour de l’art.
J’ai posé une condition à l’exercice, qu’il fasse l’objet d’une exposition au terme des séances…
Aventure à suivre.
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